Alors qu’il fait encore nuit le samedi matin 25 janvier, des chefs étiquettent des contenants, pèsent des ingrédients et emballent leurs ustensiles et divers appareils dans une cuisine de Saint-Chamond, une ville située à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Lyon.
Tout ce matériel sera transporté par camion sur le site de l’Eurexpo Lyon en prévision du jour de la compétition.
C’est dans des locaux d’Appa, un équipementier spécialisé dans le matériel de restauration, que les membres de l’équipe canadienne du Bocuse d’Or ont élu domicile depuis presque deux semaines. Sur place, ils se sont familiarisés avec les ingrédients français.
C’est aussi dans cette cuisine que Keith Pears et Joseph Mongillo ont répété à maintes reprises toutes les étapes qui seront à exécuter le 27 janvier dès 9 h 15 heure de Lyon sous le regard attentif de leur entraîneur, Dan Craig.
Ce dernier est optimiste. Selon lui, ses protégés ont le vent dans les voiles.
C’est la meilleure "pratique" qu’on n'a jamais eue. On était à l’heure, le goût [des aliments] était super. Il n’y a pas eu de problèmes avec l’équipement. Tout s’est bien passé
, dit-il avec conviction. Dan Craig affirme néanmoins qu’il y a de la place pour améliorer quelques détails ici et là.
Même son de cloche de la part de Keith Pears qui se réjouit de cuisiner dans un espace qui ressemblera quelque peu à celui où se tiendra la compétition.
Lundi, le 27 janvier, le Canada entrera en scène. À l’instar de 23 autres équipes, les représentants de l’unifolié auront 5 heures et 30 minutes pour relever un énorme défi culinaire.
Les participants doivent préparer un plateau qui rend hommage à l’héritage de Paul Bocuse. Les ingrédients obligatoires : le chevreuil, le foie gras et le thé, en plus d'un fruit issu du pays du candidat
, dixit les règlements officiels.
Les équipes doivent aussi préparer une assiette qui met de l’avant le céleri (en branches et céleri-rave), le maigre – un poisson – et le homard tout en reflétant les traditions culinaires de leur pays
.
Keith Pears est entouré d’une vingtaine de chefs qui lui prêtent main-forte, dont Sébastien Rémillard. Ce dernier a été chef chef de la recherche et du développement au restaurant Tanière3, à Québec. Afin de participer aux préparations de l'équipe canadienne, il s'est installé à Toronto. Il l'a suivie jusqu'à Saint-Chamond et sera aussi du voyage jusqu'à Lyon.
Le principal défi de l’équipe canadienne : cuisiner avec les produits imposés qui sont généralement des produits européens. L’exemple le plus probant selon Sébastien Rémillard a été le chevreuil.
Le gibier canadien utilisé pour les premiers entraînements était beaucoup plus gros que celui en France. Ainsi, pour travailler les saveurs, Keith Pears a fait des expériences avec d'autres cervidés. Quand venait le temps de peaufiner les techniques de cuisson, il se tournait vers une autre viande, l’agneau, car la taille de la bête ressemble le plus [au chevreuil français]
, explique Sébastien Rémillard.
Le chef explique qu’avoir accès à la viande idéale était un grand exercice de réseautage.
L’autre défi de taille pour les Canadiens est le transport du matériel et des ingrédients.
C'est pas comme les autres pays européens qui mettent tous leurs produits sur un camion et conduisent vers Lyon et voilà, c’est fait
, relate Sébastien Rémillard. Traverser l’Atlantique rend les choses un peu plus complexes : beaucoup d’items se sont trouvés en soute lors du vol vers la France, dit-il.
Les participants au Bocuse d’Or peuvent utiliser beaucoup de leurs propres ingrédients, dont des fermentations et des jus en plus de produits canadiens, dont le vin de glace et le sirop d’érable.
Sébastien Rémillard est arrivé en France début janvier pour installer la cuisine d’entraînement de l’équipe canadienne à Saint-Chamond. Le chef a aussi fait des arrêts auprès de fournisseurs officiels et beaucoup de courses dans les marchés.
Il explique que dans un concours comme le Bocuse d’Or, tout est calculé, tout est mesuré. [Il faut] analyser les produits et commencer à tester les recettes que nous avons avec les produits français et commencer à faire les ajustements
, explique le chef québécois.
D’autres facteurs peuvent aussi influencer le travail du candidat canadien.
Le 27 janvier, Keith Pears et Joseph Mongillo auront une liste de tâches bien précises à accomplir pendant les 5 heures et 30 minutes de compétition. Chaque étape est minutée. Mon travail principal c'est d'être à l'heure
, explique Dan Craig.
Les deux chefs ont tout appris par cœur, un peu comme une chorégraphie.
Joseph Mongillo note que sa liste d’équipement et de tâches est impressionnante. C’était tout une courbe d’apprentissage
, admet le commis.
Un de mes mentors m’a dit d’imaginer qu’il y a quelqu’un qui regarde au-dessus de tes épaules pour observer ton plan de travail et déduire des points
, raconte-t-il.
Keith Pears, lui, insiste sur le niveau de concentration duquel il devra faire preuve. Je vais porter une attention particulière aux détails sur lesquels je me questionne
, explique-t-il. Il ajoute qu’il va observer comment d’autres pays ont installé leur matériel.
L’équipe se prépare à quitter sa bulle de Saint-Chamond, consciente que le point culminant de plusieurs mois d’entraînement s’en vient. Mais avant, les chefs continuent d’étiqueter et de peser chaque ingrédient, sachant que tout geste de précision pourrait améliorer leur sort lors de la compétition.
2025-01-26T16:02:58Z