BILLET VINS - LéGENDES ET RéALITé EN BOURGOGNE

La Bourgogne vous fascine par ses terroirs ? Vous n’êtes pas au bout de vos découvertes ! Elle n’échappe pas aux légendes, mais pas non plus à cette perversion intellectuelle contemporaine qui veut que toute fausseté parvienne, à force d’être répétée, à se hisser au niveau de vérité.

Un exemple ? Cette anecdote tirée de l’Histoire mondiale du vin, de Hugh Johnson, édition 1989 : « Un professeur de géologie de l’Université de Dijon a décrit les Cisterciens comme de véritables géologues se servant de leur odorat et de leur goût pour déterminer la structure des sols et des sous-sols de la région. Quant à une vigneronne bourguignonne que j’ai rencontrée, elle s’en tient à la légende selon laquelle ils goûtaient littéralement la terre pour connaître la composition des sols. »

Pourquoi s’acharner à sucer des cailloux et à savourer du sable quand on peut s’enfiler un Corton Clos des Meix 2019 du Domaine Comte Senard — 2,5 hectares en monopole depuis 1857 — pour se convaincre de la beauté de ce grand cru ici révélé par Lorraine Senard ? On peut certes saisir le sens métaphorique de la démarche, mais il y a aussi des limites à « faire corps » avec le vin par l’entremise d’une transsubstantiation qui n’aurait pas déplu à Jésus lui-même, surtout s’il portait ce jour-là ses fameuses « culottes de velours ». Et il les portait !

Je dégustais cette cuvée (en offrant bien sûr un verre à notre directeur, Brian Myles, assis par hasard à la table d’à côté) la semaine dernière, lors du passage de la vigneronne au Québec. « Le 2019 n’a pas la richesse des 2020, plus aérien à mon avis, déjà nuancé et détaillé. Un millésime disert qui ne manque pas d’élégance », résumait la dame, qui s’emploie à gérer ses 10 hectares (complétés d’achat de raisins à raison de près de 17 %) sans herbicides ni pesticides.

De plus, poursuit-elle, ce cru se nourrit à même la veine calcaire des corton-charlemagne, un peu plus au nord-ouest, avec, disons, cet esprit cartésien des Perrières et celui plus princier du Clos du Roy — deux des grands crus que complètent, en appellation Aloxe-Corton, les Bressandes (pure dentelle) et bien sûr les Renardes (ici dans un profil plus farouche et animal).

Ce Clos des Meix, pour sa part, évoque cette fameuse main de fer dans un gant de velours. Par sa profondeur, mais aussi par cette fine fermeté qui se construit, monte et culmine lentement avec panache en milieu de bouche.

Les vins de la montagne de Corton ne se sont pas toujours présentés sous cet angle, comme le mentionne le Dr Morelot en 1831, une époque où le négoce s’organise pour mieux déceler les meilleurs terroirs en Côte-d’Or : « On les juge mal la première année, car ils ont quelque chose de dur ou âpre, qui éloigne celui qui n’en connaît pas les qualités. Mais quand la fermentation insensible s’est opérée, il se développe une spirituosité particulière, un bouquet fin et agréable et une saveur parfaite ; ils sont colorés, fermes, francs, moelleux, et ont en outre le privilège de se bien garder et de soutenir les voyages au long cours. »

Transposé sur le terrain de l’horoscope, des vins pour Taureau et Lion, sans oublier celui de Lorraine Senard née, elle, sous le signe du… Bélier.

La « bélière » sait visiblement amadouer la bête sur la montagne de Corton. Que ce soit avec son Aloxe-Corton 2020 (77 $ — 13611679 – (5 +) ★★★ 1/2), issu de 3 parcelles idéalement exposées nord-est dont la qualité des tanins et la superbe mâche étoffent en douceur un coeur de vin généreusement fruité, ou — en plus détaillé, cette fois — ce 1er Cru « Les Valozières » 2020 (114,75 $ — 14885858 – (5 +) ★★★★), fort généreux dans ce millésime (par rapport au 2021 aux volumes réduits de 70 % en raison du gel !) où triomphe une sève fruitée dense et glorieuse de cerise mûre sur des notes fines et épicées d’élevage (19 mois, dont 50 % en fûts neufs).

Je ne peux passer sous silence ces cuvées « régionales » que sont, en blanc, le bourgogne « Ana » 2020 (39,75 $ — 13831920 – (5) ★★★), issu d’une parcelle située au carrefour des communes d’Aloxe-Corton, de Pernand-Vergelesses et de Savigny-lès-Beaune, d’une grande lisibilité fruitée, et, en rouge, sa cuvée « Auguste » 2020 (36,25 $ — 13590601 – (5) ★★★), elle aussi d’une superbe précision fruitée doublée d’une tension qui en allonge la portée en bouche.

Seul bémol, la majorité de ces vins ne seront plus disponibles au moment où vous lirez ces lignes. Une autre épine dans la problématique bourguignonne ! Sachez cependant que, si le voyage vous porte sur place, la maison offre une table d’hôte qui vous fera faire le tour du propriétaire côté vin. Et pas pour manger de la terre !

2023-04-07T04:15:27Z dg43tfdfdgfd