En choisissant bien les variétés et l’équipement, on peut joindre l’économique à l’agréable.
Ce n’est pas parce que l’hiver arrive que notre envie d’une pizza margherita garnie de basilic, d’un pad thaï rehaussé de coriandre ou d’un poulet parfumé au romarin disparaît, n’est-ce pas ? Pour combler vos besoins en fines herbes fraîches pendant la saison froide, il peut être économique de les faire pousser dans votre maison plutôt que de les acheter à l’épicerie… à condition de choisir les bonnes variétés et de ne pas exagérer sur l’équipement.
En plus d’être joli, du basilic ou du persil qui pousse sur le rebord d’une fenêtre, c’est très pratique : on récolte la quantité nécessaire pour notre recette, ce qui évite le gaspillage, puis on laisse le plant se régénérer. Sauf qu’il faut être réaliste, les fines herbes cultivées à l’intérieur n’offrent pas le même rendement ni le même goût que celles qui poussent dehors en été, prévient l’agronome urbaine et formatrice Lili Michaud. « Il ne faut pas s’attendre à fournir la famille élargie en fines herbes », lance-t-elle.
« La limite, c’est la luminosité. Même si on utilise un éclairage artificiel, un plant ne produira jamais autant qu’à l’extérieur. L’ensoleillement influence aussi le taux d’huiles essentielles dans les feuilles. Donc moins de soleil, moins de goût », explique l’autrice du livre Les fines herbes, de la terre à la table (Éditions MultiMondes), dans lequel elle consacre un chapitre à leur culture intérieure. « Il n’y a rien comme une herbe aromatique qui a souffert à l’extérieur avec la sécheresse et le vent », acquiesce le semencier Yves Gagnon, auteur et copropriétaire des Jardins du Grand-Portage, dans Lanaudière.
Les deux experts s’entendent malgré tout sur le fait qu’il est possible d’obtenir des résultats intéressants et, dans certains cas, de payer moins cher qu’à l’épicerie en mettant les mains à la terre. Voici comment vous y prendre.
Les fines herbes n’auront pas aussi fière allure à l’intérieur qu’à l’extérieur, mais certaines s’en tirent tout de même mieux que d’autres. Lili Michaud et Yves Gagnon conseillent tous les deux de privilégier le basilic, une plante très populaire qui offrira un rendement intéressant — vous obtiendrez des résultats quelques mois après avoir semé — et qui n’est pas trop difficile à entretenir.
Si vous souhaitez gagner du temps en achetant un plant de basilic à l’épicerie, attention. Sa durée de vie est limitée parce que chaque pot contient trop de plants, explique Mme Michaud. « Si on veut le garder plusieurs mois, il faut séparer les plants et les rempoter dans au moins quatre pots différents », affirme-t-elle.
Dans son livre sur les fines herbes, Lili Michaud conseille également le romarin, suivi de fines herbes comme l’origan, le persil ou la sauge. À l’inverse, l’aneth, la ciboulette, la menthe et la sarriette font partie des choix qu’elle qualifie de « discutables », parce que ces plantes sont moins bien adaptées à la culture intérieure.
Si vous êtes un amateur de coriandre, les avis sont partagés : l’autrice soutient qu’il est possible de la faire pousser à l’intérieur, mais que « le résultat est souvent décevant », parce que cette plante nécessite un ensoleillement maximal et une température fraîche. De son côté, Yves Gagnon estime que la coriandre peut nous offrir une production intéressante, comme le basilic. Et tant qu’à vous installer, il conseille de planter aussi de la roquette, du mesclun et de la moutarde. « Ça donne de petites verdures pour les salades hivernales », dit-il.
Au-delà du plaisir de voir pousser de la verdure dans sa maison — et de la manger —, les deux spécialistes croient que l’aventure peut être avantageuse financièrement. « Je pense que c’est économique si on achète souvent des fines herbes à l’épicerie et qu’on reste sobre dans notre achat d’équipement », dit Lili Michaud.
Autrement dit, avec une grande fenêtre plein soleil (orientée vers le sud ou l’ouest) et de l’équipement déjà à portée de main (pots de yogourt troués, assiettes, vaporisateur, terreau, etc.), vos fines herbes maison vous coûteront instantanément moins cher que celles vendues à trois dollars le paquet à l’épicerie. Mais si vous devez dépenser environ 120 dollars pour obtenir une lampe DEL, un trio de pots de terre cuite et du terreau, le rendement de l’investissement sera bien sûr un peu plus long.
Et gare aux idées de grandeur. Se munir de nombreuses lampes DEL, de pots en grande quantité, de tablettes, etc., c’est bien parfait si c’est par passion pour le jardinage, mais les économies ne seront pas nécessairement au rendez-vous. « Les investissements qu’on va faire peuvent alors être rentabilisés sur 5 ou même 10 ans », note Yves Gagnon.
Les conseils et les techniques peuvent changer selon la variété cultivée, mais voici quelques recommandations applicables à presque toutes les fines herbes.
Le pot
Lili Michaud conseille les pots en terre cuite, qui sont poreux et évitent dans la majorité des cas le pourrissement des fragiles racines de vos fines herbes. Vous pouvez aussi opter pour des pots de plastique troués à la base, pour permettre le drainage. Dans tous les cas, mettez une soucoupe ou un récipient sous vos pots pour recueillir le surplus d’eau, précise Yves Gagnon.
Le terreau
Choisissez un terreau de bonne qualité, riche en compost — et non un restant de terre qui traîne dans votre garage. « Il faut que ce soit un sac fermé, conseille Lili Michaud. Ça ne peut pas être un sac qui a séjourné dehors, parce que des insectes pourraient s’être introduits à l’intérieur. »
Éclairage
Un minimum de cinq à six heures d’ensoleillement est « indispensable » pour les fines herbes, écrit Lili Michaud dans son livre. Si vous avez une grande fenêtre orientée vers le sud ou l’ouest, ça peut faire l’affaire, mais pour un rendement optimal, mieux vaut se procurer une lampe horticole DEL à spectre complet — qui reproduit la lumière du soleil — et la laisser en fonction pendant 12 heures. Des tubes fluorescents peuvent aussi convenir. Assurez-vous d’avoir un système ajustable en hauteur, qui peut toujours être placé à environ 10 à 15 cm des plantes, souligne Lili Michaud.
Arrosage
« Il faut faire attention, note Yves Gagnon. Les gens ont tendance à trop arroser. » Pendant la période de germination, il conseille d’arroser légèrement tous les deux ou trois jours avec de l’eau tempérée, puis environ tous les trois ou quatre jours lorsque des feuilles ont commencé à pousser. « On doit attendre que la surface du terreau soit sèche pour arroser », dit-il.
Récolte
« Il ne faut pas abuser des récoltes si on veut que les plants aient la possibilité de se régénérer », souligne Yves Gagnon. Il est préférable de ne pas prélever plus de 10 % des feuilles en une seule fois, écrit Lili Michaud dans son livre sur les fines herbes.
Pour économiser au maximum, ne jetez rien — ni vos fines herbes maison ni celles que vous achetez à l’épicerie. Faites comme Yves Gagnon et utilisez-les sous forme d’herbes séchées, d’herbes salées (250 ml de feuilles pour 60 ml de sel, dans le robot culinaire), de pistou (mélangez herbes, ail et huile et congelez le tout dans un moule à glaçons) ou encore de vinaigres aromatisés. Vos plats auront une saveur on ne peut plus locale toute l’année.